L’Interview de Rutina Wesley par Tony Cotte vu sur toutelatele.com
Tony Cotte : Dans la collection de romans La Communauté du Sud, à partir desquels est adaptée la série True Blood, Tara n’apparaît que dans le deuxième opus. N’est-ce pas frustrant de ne pas savoir comment évolue votre personnage à l’inverse de vos confrères ?
Rutina Wesley : J’étais contente que mon personnage se différencie de celui des livres, cela m’a permis d’être présente dès la première saison et d’avoir un peu plus d’importance. Je voulais créer Tara à ma façon avec les auteurs et j’ai donc décidé de ne pas lire les autres tomes de la collection. Les scénaristes ont pris quelques éléments de la Tara de La Communauté du Sud, mais, pour le plus gros, Alan Ball (créateur de True Blood, ndlr) m’a donné ma propre intrigue.
Tony Cotte : Vous semblez être une personne souriante. Tara étant une jeune femme très dure, même dans ses relations amicales, peut-on parler d’un rôle de composition ?
Rutina Wesley : Je suis une dure ! (rires) Comme mon personnage, j’ai une apparence sévère, notamment à cause de mes bras musclés, mais je suis beaucoup plus douce quand on me connaît. Pour l’incarner, je me devais d’aller vers cette fille qui n’a jamais eu d’enfance et qui a dû grandir très vite. Avec un tel passé, Tara est devenue quelqu’un d’austère, souvent sur la défensive et qui marche beaucoup à l’instinct. C’est également une fille très intelligente avec énormément d’amour, certes ce n’est pas toujours facile à voir vu qu’elle passe son temps à jurer !
Tony Cotte : Pour de nombreux téléspectateurs, les vampires de True Blood seraient une métaphore des minorités dans l’Amérique d’aujourd’hui. En tant qu’actrice, comment analysez-vous la série ?
Rutina Wesley : Je pense que s’ils devaient réellement vivre parmi nous, les vampires feraient l’objet de réactions très négatives. Ils ne nous ressemblent pas, n’ont pas nos codes ni notre langage. S’ils existaient, ils seraient fuis parce que les Américains sont très fiers et n’aiment pas ceux qui ne sont pas des leurs. C’est toujours le cas aujourd’hui et je peux en faire l’expérience étant une femme noire. Quand je me promène, je continue à sentir le regard des gens. Je comprends donc le sentiment d’être considéré comme une minorité, et d’être, en quelque sorte, indésirable. C’est un des éléments forts de True Blood, même si tout le monde ne le perçoit pas ainsi.
Tony Cotte : Estimez-vous que regarder la série permet de sensibiliser les plus jeunes téléspectateurs à la tolérance ?
Rutina Wesley : Sans aucun doute. Quand la réalité rencontre un monde fantastique, cela permet à son imagination d’aller vraiment loin. Certaines téléspectatrices peuvent se demander, par exemple, s’il leur est possible de tomber amoureuse d’un homme qui peut se transformer en chien (rires). Mais il faut voir ici la métaphore : qu’est-ce que cela implique d’être amoureux(se) de quelqu’un de différent ? À titre personnel, je suis en couple avec un homme d’une autre race que la mienne et je peux comprendre parfaitement ce sentiment. True Blood délivre un message très positif : on peut vivre tous ensemble, coexister et communiquer… même si les vampires doivent boire leur Tru Blood ! (rires)
Tony Cotte : Esquire Magazine a publié une étude selon laquelle les adolescentes adorent les histoires de vampires, car elles fantasment, en réalité, sur les garçons homosexuels. Quel est votre point de vue ?
Rutina Wesley : (Elle éclate de rire) Je crois qu’elles sont folles du côté « hot » des vampires. Elles rêvent toutes secrètement d’être mordues, d’ailleurs moi-même j’en rêve et j’espère que cela arrivera (rires). Encore une fois, je pense que ça a beaucoup à voir avec l’imagination et le fait de fantasmer sur quelque chose que l’on ne peut pas avoir. C’est d’ailleurs, selon moi, une des raisons du succès de la série : les téléspectateurs rêveraient de pouvoir faire partie de True Blood, de traverser l’écran et entrer dans ce monde…
Tony Cotte : D’aucuns diront que le portrait dressé de la population du sud des États-Unis est extrêmement stéréotypé. L’accent de votre personnage étant fortement marqué, comprenez-vous ces critiques ?
Rutina Wesley : Tara n’est pas un stéréotype, juste un être humain. Il y a beaucoup de filles comme elle dans le monde, souvent les gens viennent me voir en me disant que je leur rappelle une cousine du Tennessee ou une tante du Mississippi. Il est important de ne pas faire preuve d’étroitesse d’esprit et de regarder la série avant de la juger. Certains l’ont fait dès les premiers épisodes et se sont dit : « Oh, une femme noire en colère ! Oh tiens, un noir gay ! » Mais cette femme est tellement plus que ça, au fond, elle est fragile, a besoin d’attention et ses défauts ne font pas d’elle un stéréotype. Le sud des États-Unis regorge de personnes s’exprimant de la même façon que Tara ou qui ne vivent, par exemple, que pour leur ferme. Ce n’est pas pour cette raison qu’ils n’ont pas de valeur dans notre société.
Tony Cotte : Le générique de True Blood montre à quel point le fanatisme religieux et la sexualité peuvent rendre les êtres sauvages, voire primitifs. Cet aspect-là est-il vraiment une réalité outre-Atlantique ?
Rutina Wesley : Je pense effectivement que certaines personnes peuvent perdre l’esprit à cause de l’amour et du sexe. Le générique de True Blood est ce que je préfère dans la série : ce mélange entre ces baptêmes et ces images de corps et la façon dont le tout est mixé. Cela me fait penser à ces clubs sombres où règne une certaine énergie sexuelle, car tout le monde, femmes ou hommes, ressent, à un moment ou à un autre, ce besoin d’être aimé et désiré parfois même avec désespérance.
Tony Cotte : Comment voyez-vous la façon dont les femmes sont représentées dans la série ?
Rutina Wesley : De façon très sexuelle, cela va de soit. Je pense que True Blood représente bien la gent féminine, il n’y a rien de dégradant. C’est une vision positive d’une communauté face au surnaturel. Que faire face à des personnes qui volent ou qui se transforment en chien ? C’est un monde tellement différent, qu’on ne peut pas les juger ni eux ni leurs fréquents rapports sexuels. Je trouve ces derniers même vraiment classes, fait avec bon goût, enfin… à l’exception des orgies ! (rires)
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